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"En attendant Bojangles", un livre de Olivier Bourdeaut

10 mai 2016, par Untitled Magazine

Il se trouve parfois, dans la faune des premiers romans, des trouvailles qui l’air de rien agrémentent notre lecture d’une réjouissance sans égale. En attendant Bojangles se niche parmi ces expériences délicieuses. Les premières pages du roman nous plongent dans le paysage d’enfance du narrateur à l’abri de toute conformitéoù l’extravagance règne en maître. A travers ce regard haut comme trois pommes, se dépeint l’histoire d’amour de ses parents, teintée d’une douce folie.

Rien dans ce conte ne semble rattaché aux angoisses du réel. Ainsi, la mère aux multiples prénoms et dont la fêlure mentale pointe le bout de son nez demande à son fils de mentir et d’inventer de belles histoires pour fuir la banalité du quotidien. Un ensemble de préceptes jalonne ainsi la première partie du roman « Si tu n’es pas sage, je te fais ouvrir le courrier et le trier ». Dans le salon, il est vivement recommandé de sauter sur le grand canapé tandis que sont organisées dans le couloir les courses avec Mademoiselle Superfétatoire, un oiseau exotique profondément inutile en guise d’animal de compagnie. La structure de l’école n’a évidemment pas sa place dans cette vaste fantaisie, ce pourquoi on en retire l’enfant dont « l’équilibre esthétique » prime sur les heures de présence. La chanson éponyme « Mr Bojangles » de Nina Simone est écoutée sur un vieux tourne disque, catalyseur musical des nuages de folie qui trônent au-dessus du couple insensé « C’était une musique pour les sentiments ». La chanson ponctue l’histoire de cette famille affranchie de toutes conventions. Si l’on peut s’agacer de cet étalage de situations cocasses dont le trait a le défaut d’être un peu trop forcé pour être touchant, l’atmosphère reste néanmoins plaisante et cette existence marginale a de quoi faire pétiller. Mais à force de flatter la démence, celle-ci finit par s’installer. Le regard porté sur la pathologie grandissante de la mère conjugue l’inconséquence enfantine à la cruauté du réel « Le problème c’est qu’elle perdait complètement la tête. Bien sûr, la partie visible restait sur les épaules, mais le reste, on ne savait pas où il allait ». Cette manière naïve de percevoir le vrai et d’utiliser les expressions abstraites au premier degré contribue à la joie perpétuelle du récit où la poésie embrumée par l’ivresse des cocktails a toujours raison de la gravité.

Il y a dans cette écriture une forme d’excentricité lexicale qui, sans l’égaler, se rapproche de celle d’un Igniatus dans La conjuration des imbéciles de John K. Toole. Toutefois, le fond dramatique de l’histoire peut aussi faire écho au destin d’une Betty dans 37.2 le matin de Jean-Jacques Beineix où là encore le décalage avec le réel est guetté par la folie. Ce qui peut rompre le charme dans cette morale, c’est l’impression que la marginalité a forcément un destin funeste, que l’excentricité est le symptôme d’une pathologie sérieuse qui doit être contenue entre quatre murs. Néanmoins, Olivier Bourdeaut parvient à mener son histoire mélancolique sur un ton empreint de légèreté qui a, peut-être, le défaut d’un excès de style.

Mise en page 1

En attendant Bojangles, Olivier Bourdeaut, Edition finitudes, 160 pages, 15,50 euros




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