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Critique : "Tout en haut du monde", un film de Rémi Chayé

26 janvier 2016, par Untitled Magazine

Avec Tout en haut du monde, Rémi Chayé passe pour la première fois du côté de la réalisation, ayant récemment été assistant-réalisateur du très notable Le Tableau de Jean-François Laguionie. Pour ce joli baptême, le réalisateur nous invite à découvrir les blancs paysages d'un Saint-Pétersbourg façon 19e siècle, en 1882. On y fait la rencontre de Sacha, jeune fille de l'aristocratie russe dont les aspirations contrastent avec le mode de vie qu'on lui impose: au statisme et aux simagrées aristocrates, elle préfère la vie d'aventure menée par son grand-père disparu, Oloukine. Etouffée par la cour et mue par l'envie de retrouver le bateau d'Oloukine, elle s'embarque sur ses traces vers le Grand Nord, « tout en haut du monde ».

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En suivant Sacha, on se retrouve très rapidement plongés dans une atmosphère tout à fait particulière, à la croisée de plusieurs influences : un peu de Jules Verne, des couleurs de gravures anciennes et du Guépard de Visconti lors de la scène de danse. C'est un tableau très 19e, très beau, très blanc, spécifiquement russe qui se dresse et mélange avec adresse habits, paysages et architectures typiques. Le trait est singulier, puisqu'il est sans contour, tout en à-plats, et rappelle beaucoup l'esthétique fauviste de Derain. On pourrait penser que l'absence de détails permettrait au spectateur de porter plus d'attention à la peinture émotionnelle, pourtant, il n'en est rien. L'esthétique en pâtit, et le quotient émotionnel du film est trop faible pour rattraper cette petite déception.

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La représentation émotionnelle est souvent cachée derrière un mouchoir dont on arrive pas à se débarrasser : il faut du temps pour s'attacher à Sacha, malgré la force et l'originalité de son personnage. Il est très rare de voir évoluer à l'écran un personnage féminin, et de surcroît adolescent, aussi fort et ça fait un bien fou ! Rémi Chayé a réussi à construire un personnage complexe, pétri de rêves fous que l'on voit doucement venir à la vie. Sacha initie l'action, respire le courage, pleine d'une puissance explosive qui, malgré son éducation aristocrate et enfermée, semble taillée pour le combat vital. La seule ombre au tableau, c'est que Rémi Chayé, par l'intermédiaire de personnages adultes comme le père ou le capitaine du bateau, nous promet une aventure folle, impossible à concevoir et encore moins à réaliser. Dans les faits, Sacha ne traverse que peu d'épreuves au cours de ce périple a priori suicidaire. C'est décevant, car on a l'impression que beaucoup de scènes sont peu travaillées et rapidement expédiées : les émotions sont rares, et sont surtout concentrées autour des rapports entre les personnages. La relation entre Sacha et son grand-père, pourtant très peu présent à l'image, est tout à fait bouleversante par la représentation fine et évocatrice qui en est faite.

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Ce qu'on aime dans ce film, c'est qu'il est loin des clichés : Sacha s'oppose au rôle de petite princesse insupportablement classique qui passe ses journées à rêvasser bêtement sans jamais rien faire, les contraintes de la cour russe de cette époque sont concentrées autour de quelques personnages seulement, ce qui permet d'adoucir le portrait attendu et déjà vu (notamment grâce à la présence d'une mère plus simple et compréhensive), et la bande-son, composée par Jonathan Morali (chanteur des Syd Matters), refuse la musique d'aventure aux tonalités russes à laquelle on aurait pu s'attendre, en y substituant la délicatesse d'une folk rythmée. Seule la représentation de l'équipage pirate moitié ripou, moitié cœur d'artichaut rappelle de mauvais poncifs, mais cette mise en scène est rattrapée par la qualité des épisodes finaux qui se déroulent au cœur des grandes étendues glaciaires, et qui mettent fin avec émotion à la quête initiatique de Sacha. C'est un joli film, qui malgré certaines intentions louables n'émeut pas assez pour être remarquable.

https://youtu.be/EWA4EuEgvG0


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