logo UNTITLED MAGAZINE
Le webzine des plaisirs culturels
Rechercher
Instagram Facebook Twitter

Critique : "Toni Erdmann", un film de Maren Ade

12 août 2016, par Untitled Magazine

Malgré une longueur parfois assommante et un manque de chaleur dommageable,Toni Erdmann valse parfaitement entre critique sociale et portrait touchant d'une relation père/fille : un long bout d'originalité comme on en voit peu. 

Ines, proche de la quarantaine, est une femme d'affaires très occupée. Employée d'une grande société allemande délocalisée à Bucarest, elle enchaîne les heures comme les cafés. Rythmée par une organisation sévère, sa vie se trouve bouleversée lorsque son père, enseignant et clown dans les maisons de retraite, lui demande "es-tu heureuse ?". Devant son manque de réponse, ce dernier va tout faire pour l'extraire des méandres malheureuses dans lesquelles elle s'est enfermée en inventant un personnage loufoque et embarrassant : Toni Erdmann.

© Komplizen Film © Komplizen Film

Vicieux capitalisme

Acclamé par les rires et les applaudissements lors de sa présentation à Cannes, Toni Erdmann est un film aussi hurluberlu que son personnage éponyme. Les pas chassés entre la satire, l'humour noir, la bizarrerie, le réalisme social et une certaine forme d'incongruité spontanée ne manquent pas d'ébahir de bout en bout. Pourtant, si le style est un peu fou, la critique qui le sous-tend est bien sérieuse, sans être pour autant théorisée clairement. A travers le duo père/fille qu'elle met en place, Maren Ade fait se confronter deux univers opposés : celui d'un père qui a grandi dans un idéal libertaire, et celui d'une fille qui, malgré l'éducation paternelle, se retrouve noyée dans l'univers d'un capitalisme à bout de souffle. Quand il lui parle de bonheur, elle ne trouve pas ses mots, plongée dans ses obsessions de working-girl soumise à un travail qui l'écrase, externalisant (à savoir, licenciant) comme une machine bien huilée et rabaissée sans broncher par un patron condescendant.

© Komplizen Film © Komplizen Film

Sauver par le rire

Winfried, interprété par le brillant Peter Simonischek, se donne alors pour mission de sauver sa petite fille de l'engrenage crasseux dans lequel elle nourrit sa neurasthénie : il la suit au travail, en boite, le nez devant un rail de coke, au cours d'une réunion professionnelle, de diners mondains... Sa dégaine tranche avec le monde de sa fille, dentier sale, perruque qui ressemble à une méduse morte et coussins péteurs, tout est bon pour provoquer le malaise. La relation père/fille est bouleversante d'humanité, pulsée par les grands gestes effectués par un père qui tente à tout prix d'aider sa fille par un humour grotesque, grand clown de l'improvisation dont les hilarants tours se dessinent sous nos yeux : Amateur jusqu'au bout, son manque d'adresse et sa détermination comique touchent droit au coeur. Ces moments adorables sont pourtant beaucoup trop rares dans le film qui, malgré une originalité étonnante, ne parvient pas à réchauffer de nombreux moments glaciaux. On retiendra pourtant certaines scènes à la limite de l'irréel, notamment celle de l'anniversaire...

Maren Ade signe un très beau film, tendu entre cynisme sur le monde capitaliste et portrait d'une relation père/fille, et qui, s'il touche à de nombreux moments, aurait bien mérité d'être écourté d'une heure au moins pour permettre à la chaleur émotionnelle de se concentrer plus efficacement.

https://youtu.be/tHiBr8OrpKI  


auteur
Le webzine des plaisirs culturels.


Retour

Articles similaires

Les Éclatantes #5. Ateliers, expos et lives de Claire Laffut et Pépite
Dans un jardin qu'on dirait éternel - au cœur de l’art du thé japonais
« Imagine Pablo », le nouveau podcast du Musée national Picasso-Paris
Podcasts : de la culture à écouter
« Habitudes » : un tout nouveau podcast autour de l'habillement
Sélection "girl power"
Part-Time Friends : "Notre truc, c'est d'essayer de faire des bonnes chansons"
Magma : les témoins de l’Histoire ont désormais leur podcast
Inscrivez-vous à notre newsletter :
Site réalisé par
Ciel Bleu Ciel