Le cinéma indé américain serait-il une citronnade ?
Question bizarre certes. Mais il suffit, pour qu’elle prenne sens, de s’attarder quelques secondes sur la tendance ocre, blonde des affiches de films (Little Miss Sunshine, Juno, Fruitvale Station ou le récent et merveilleux States of Grace par exemple), souvent venus de Sundance, et dont l’argument de vente repose sur deux choses, l’indépendance de la production et une promesse de « fraîcheur ». Fraîcheur de quoi ? Du propos, des acteurs, de l’ambiance générale du film? On s’en cogne un peu, « C’est frais » qu’on vous dit ! Le film de Lola Bessis et Ruben Amar répondant à ses deux critères, on peut affirmer par un syllogisme sans faille que Swim Little Fish Swim est une citronnade. La question suivante se pose donc : quel arrière-goût laisse-t-il sur la langue, au sein de ce tsunami de « sundanceries » dont on nous vend la fraîcheur ?
Le couple de réalisateurs Lola Bessis-Ruben Amar admet volontiers l’influence d’un cinéma proprement new-yorkais. Dans l’historique officiel, ça brasse Jarmusch, Nicholas Ray, Cassavetes et autres influents/influencés de/par la Nouvelle Vague. Si l’ambiance libertaire s’échappant du film peut rappeler une intention d’indépendance commune à ces grands auteurs, difficile pourtant d’y voir autre chose qu’un joli collage vidéo. Les personnages sont l’incarnation d’une dualité entre art et vie quotidienne – pour ne pas dire chiante –, et semblent former deux groupes distincts, dont la petite Rainbow pourrait être le point de réunion instable. Si l’on s’accorde à la réalité trafiquée ou idéalisée des réalisateurs, comme celle que Lilas (Lola Bessis) développe en tant que projet artistique, cet affrontement de points de vue est dès le départ inégal. Mary (Brooke Bloom), maman infirmière, est montrée comme seule véritable adulte évoluant à distance de l’univers de son mari Leeward (Dustin Guy Defa), de Lilas et de leurs potes fumistes, joyeux benêts bégayant, pas franchement adultes, pas véritablement enfants. Les artistes seront-ils maîtres au final ?
Et si ces deux regards défiants la vie auraient pu s’avérer intéressant à observer, l’un y allant de front, l’autre tout en esquive, les pirouettes du scénario balaient ces interrogations. Lesquelles se muent en situations mignonnes et quelconques, parfois animées d’une fantaisie pas désagréable et portées par une B.O tout de même chouette, dans laquelle on trouve « The Toys and Tiny Instruments », qui façonne sa musique grâce à des jeux d’enfants. Ainsi, l’artiste est-il condamné à rester un enfant ? Cette vision des choses est somme toute basique et faiblarde, le film n'en est que plus vite oublié.
Colorée mais insipide, cette citronnade.
Synopsis: Dans son petit appartement new-yorkais où il vit avec sa femme, Leeward, musicien talentueux et atypique, compose des morceaux à l'aide de jouets de sa fille de trois ans, Rainbow. Lilas, jeune vidéaste, traîne sa valise de squats d'artistes underground en galeries branchées, en espérant percer dans le milieu fermé de l'art contemporain. Leur rencontre pourrait bien les pousser à enfin accomplir leurs rêves...