Trois ans après la sortie du long métrage Les Adoptés, son premier en qualité de réalisatrice, Mélanie Laurent revient derrière la caméra pour Respire. Librement adapté du roman éponyme d’Anne-Sophie Brasme, paru en 2001, son deuxième film plonge le spectateur dans un psychodrame à la tension soutenue.

Charlie, une jeune fille de 17 ans. L’âge des potes, des émois, des convictions, des passions. Sarah, c’est la nouvelle. Belle, culottée, un parcours, un tempérament. La star immédiate, en somme. Sarah choisit Charlie.

Ovationné durant près de trente minutes à Cannes en juin dernier, où le film était présenté à la Semaine Internationale de la Critique du Festival, Respire confirme dans un premier temps l’évolution de deux actrices prometteuses du cinéma hexagonal. Pour incarner les deux adolescentes au coeur de cette relation ambivalente, Mélanie Laurent a misé sur des comédiennes à la popularité limitée, séduisantes jusqu’à présent dans des seconds rôles. Joséphine Japy (Le Moine, Cloclo) et Lou de Laâge (Jappeloup, Des gens qui s’embrassent) se voyaient ici offrir deux rôles de caractère, et la possibilité de confirmer les attentes placées en elles. C’est chose faite, avec deux prestations aussi complètes que complexes. Le fruit d’un travail de longue haleine avec la réalisatrice, en amont et durant le tournage, dont l’aboutissement est la puissance émotionnelle de nombreuses scènes.

Figure singulière du cinéma depuis sa création (plus largement les années 1950 et la prise de conscience de son potentiel commercial), l’adolescent s’est vu consacrer un genre cinématographique dont il existe autant de déclinaison que de richesse dans sa diversité. Traiter l’adolescence, cela va de l’évocation d’un environnement social à l’exploration de l’intimité, l’expression d’un corps et d’un esprit en mutation. Plusieurs chefs-d’œuvre et maitres du genre au fil des décennies. On pense à l’adolescence rebelle de James Dean dans La fureur de vivre de Nicholas Ray, la turbulence et la liberté d’Antoine Doinel dans Les quatre cents coups de Truffaut, la folie suicidaire d’Elephant de Gus Van Sant, ou encore l’adolescence en filigrane de l’oeuvre de Larry Clark.

Pour évoquer ce passage complexe de l’existence, Mélanie Laurent s’aligne sur les caractéristiques du genre. On retrouve les trois lieux récurrents : l’école, tout d’abord, qui représente inévitablement un poids dont le personnage principal souhaite se libérer. La maison, synonyme simultanément d'échappatoire et de lieu oppressant. Et enfin l’ailleurs, où tout peut arriver, souvent générateur de découvertes et d’expression exacerbée des sentiments. Dans Respire, les différentes structures parentales ne semblent jamais incarner un modèle à perpétuer pour la jeunesse en construction. Les rapports adultes apparaissent d’emblée sous une forme conflictuelle. En contre poids à cette norme, Mélanie Laurent insiste sur la relation fusionnelle entre Charlie et Sarah. Un enchantement jeté des les premiers regards désireux entre les deux actrices, qui permet à la réalisatrice d’installer brillamment une relation destructrice, jamais stable, et fatalement vouée à virer au drame. La cruauté de l’adolescence et la fragilité de ses comportements impulsifs se retrouvent au sein de cette atmosphère parfois irrespirable. Malgré quelques artifices téléphonés, le tout sonne comme une machine d’émotions contradictoires dont l’implosion semble programmée, où atteindre le point de non retour peut livrer son lot de tragédie.