Synopsis
Cette histoire est inspirée de faits réels qui se sont déroulés en France à la fin du 19ème siècle. Née sourde et aveugle en 1885, âgée de 14 ans, Marie Heurtin est incapable de communiquer. Son père, modeste artisan, ne peut se résoudre, comme le lui conseille un médecin qui la juge « débile », à la faire interner dans un asile. En désespoir de cause, il se rend à l’institut de Larnay, près de Poitiers, où des religieuses prennent en charge des jeunes filles sourdes. Malgré le scepticisme de la Mère supérieure, une jeune religieuse, Soeur Marguerite, se fait fort de s’occuper du « petit animal sauvage » qu’est Marie et de tout faire pour la sortir de sa nuit.…
Marie Heurtin… un nom prédestiné au combat et à la violence. Sœur Marguerite ne le sait pas encore lorsqu’elle voit arriver pour la première fois la petite « sauvageonne », mais le chemin qu’elle s’apprête à parcourir est long et sinueux, sans promesse de réussite. Perdue, Marie va se percher dans un arbre, pieds nus, les cheveux hirsutes et la peau sale. Elle semble coupée du monde, vivre dans une bulle complètement hermétique qui est son seul repère. Quelqu’un lui tend la main, elle la caresse, la scanne, d’une certaine façon, l’adopte et le film est lancé.
Il y a quelques semaines, nous avions découvert le documentaire de Nicolas Gayraud sur les sœurs de l’abbaye de Bonneval, ode à la foi, à la simplicité, au rapport à autrui. Il faut croire que Dieu a des ondes positives. Ici encore, même si elle n’est pas le sujet, la foi est omniprésente. Car pour relever le défi que se lance sœur Marguerite, il faut l’avoir, et y croire jusqu’au bout. Le film de Jean-Pierre Améris est beaucoup en même temps : une lutte, une grande histoire d’amour, et un coup de poing. Il aide à se rendre compte à quel point c’est compliqué de s’épanouir et de vivre avec les autres lorsqu’on est né sourde-muette-aveugle. Comment fait-on pour se sortir de ce silence ? Comment fait-on pour trouver l’envie et la force d’apprendre, pour être en paix avec soi-même, et surmonter ce handicap ? En acceptant de l’aide.
© Michael Crotto, tous droits réservés.
Cette aide s’appelle Isabelle Carré, magistrale comme d’habitude lorsqu’elle campe ces rôles de femme originale, comme dans Les émotifs anonymes, un des films précédents du réalisateur. Elle illumine l’écran et sa camarade de jeu, Ariana Rivoire, qui interprète Marie, le crève, tout simplement. Dans une interview, Arémis raconte qu’il a choisi avec beaucoup d’attention ses deux muses, et que leur rencontre a été un vrai coup de foudre. Il y a de l’amour, entre Sœur Marguerite et Marie Heurtin. Celui qui naît de la proximité dans la douleur, dans le combat. Celui dont on a besoin absolument pour faire face aux complications, au temps qui passe sans résultat. C’est l’amour brut et nécessaire des jours sans joie. Il raconte aussi que les scènes de bagarres nombreuses et violentes, ce sont quasiment déroulées de la même façon en réalité, et que les actrices en sortaient avec des bleus. Il avait besoin de physiques plein d’énergie, et de volontés d’acier. C’est trouvé, et sur son siège, choqué et attendri, le spectateur le ressent et ne peut qu’admettre qu’il assiste à deux très jolies prestations.
Néanmoins, si sœur Marguerite a un objectif à atteindre, sauver un être humain, et qu’elle se bat pour y arriver, le film n’est pas seulement une aventure. C’est aussi et surtout une danse, dans un cadre enchanteur. « Je voulais aussi faire un film lumineux : parce que le sujet porte également sur la manière dont on peut, même en étant sourd-aveugle, toucher, appréhender la beauté du monde. Je voulais qu’il y ai cette part de nature, que la nature soit belle. Et j’avais ces images d’une main sur l’écorce d’un arbre, d’une main sur la tête de l’âne, d’une main sur les fleurs, sur un visage… La main et le monde, c’est le motif emblématique du film ».
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Les mains. Sans elles, pas de film, pas d’espoir, pas de solution. Sur le tournage, pour comprendre et se faire comprendre d’Ariana Rivoire, le réalisateur a engagé deux traductrices de la langue des signes. Isabelle Carré elle-même l’a apprise, et c’est devenu une passion qu’elle continue à pratiquer. Ces mains, elles enchantent, elles hypnotisent. Elles se lèvent, redescendent, virevoltent, se tordent, comme dirigées par un chef d’orchestre. Elles sont le moyen, le stylo, le pont qui va permettre à Marie de comprendre et de créer des liens. Son sens du toucher est exacerbé, alors elle va caresser les visages, plusieurs fois, pour identifier ses interlocuteurs, les sonder. Les gestes sont lents, doux, quand elle apprend ou qu’elle veut montrer son attachement, et vifs, rapides, dans les moments de résistance et d’affrontement…
Et puis il y a cette scène finale, un somptueux ballet. Les genoux dans l’herbe, les yeux vers le ciel, Marie Heurtin valse, et nous entraîne, comme pour un au revoir. Oui, « les personnages ordinaires peuvent faire des choses extraordinaires ».
A voir
Marie Heurtin Un film de Jean-Pierre Arémis Avec Isabelle Carré, Ariana Rivoire, Brigitte Catillon etc. Sortie le 12 novembre 2014