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Critique : "Marie et les Naufragés", un film de Sébastien Betbeder

12 avril 2016, par Untitled Magazine

Marie et les naufragés, c'est un voyage touchant, timide, littéraire et surtout très barré dans la vie de quatre protagonistes aussi loufoques que banals. Au centre des intrigues : Marie (Vimala Pons). « Marie est dangereuse » d'après Antoine (Eric Cantona), son ex, écrivain pommé et torturé. Peu importe les mises en garde, Siméon (Pierre Rochefort) lâche sa vie un peu fade pour se laisser transporter vers la vie de cette jeune fille qui l'intrigue. Il décide de la suivre en secret, suivi de près par Oscar, son colocataire somnambule (Damien Chapelle), et Antoine. Ils se retrouvent tous les quatre sur l'île de Groix, perdus dans une dynamique qui semble les dépasser. Un petit goût d'aventure, un petit goût de littérature... Les voilà voguant sur le bateau d'une romanesque absurdité.

© UFO distribution © UFO distribution

Marie et les naufragés est un véritable OVNI dans le paysage cinématographique actuel. Il est troublant de se rendre compte que pendant le film, on a souvent l'impression d'être en train de lire un roman, ou d'écouter un vieux vinyle un peu étrange ; ce n'est plus un film que l'on regarde, c'est un objet de culture non identifié. Cet objet devient roman quand il s'empreint d'une étrange patte littéraire : c'est le désir ardent des personnages de vivre une histoire un peu folle, une aventure hors du commun qui devient le sujet du film. Comme une sorte d'autobiographie pas vraiment omnisciente, les personnages racontent tour à tour leur histoire personnelle en regard caméra et en première personne « mes collègues sont ambitieux, de gauche mais pas trop », « Nous décidons de nous séparer avant de ne plus nous aimer du tout ». Ils nous dirigent, nous font accéder à leur intériorité et deviennent les héros de leur propre vie avant de devenir les héros du film.

© UFO distribution © UFO distribution

A l'intérieur de ce jeu dans le jeu, les acteurs sont brillants. Eric Cantona campe le parfait écrivain désabusé qui cache pourtant un bon fond (et nous rappelle son jeu dans Les rencontres d'après minuit), Pierre Rochefort épate par ses adresses de jeune cocker enamouré, Damien Chapelle époustoufle par son flegme et sa naïveté, Vimala Pons étonne par sa délicatesse et son air de débarquée hallucinée. Tout s'imbrique parfaitement et l'ensemble est complètement hallucinatoire. Le choix même de l'île sur laquelle les quatre protagonistes finissent par se retrouver est significatif de toute l'ambiance du film : l'île de Groix abrite la seule plage convexe d'Europe. Un monde complètement à l'envers.

© UFO distribution © UFO distribution

Un renversement des attentes que la bande-son sert parfaitement. Quid du meilleur artiste renversant ? Notre national Sébastien Tellier et ses mélodies tour à tour lunaires, mélancoliques, angoissantes, extraterrestres... On finit par se perdre dans ces airs qui à eux seuls constituent des histoires épaisses et nous font complètement oublier les images. L'objet devient pure partition après avoir été pur roman. Ce mélange inattendu donne un ensemble rocambolesque, délirant et hilarant. Les rires dans la salle sont systématiques face à l'absurdité de certaines situations, comme lorsqu'Oscar rencontre Antoine pour la première fois et s'exclame « C'est con. Oui c'est vous. Je reconnais votre respiration ».

© UFO distribution © UFO distribution

Des personnages qui font de leur chair le matériau privilégié de leur propre narration, un réalisateur qui se laisse porter par le clapotis de ces fictions personnelles, une bande-son qui dessine elle-même ses propres récits et des acteurs convaincus de leur double-jeu : Marie et les naufragés est plaisant d'une incohérence et d'une absurdité qui se dévorent à pleines dents.

https://www.youtube.com/watch?v=vTgXHfZ1ou0


auteur
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