Parler d'orphelins abandonnés par des parents morts ou malades, sans tomber dans la pesanteur excessive ou le lacrymal, le pari semble difficile a tenir. C'est pourtant ce que parvient a faire Claude Barras avec Ma vie de courgette, pudique et bienveillante incartade dans le quotidien de ces petits laissés pour compte.
Icare, qui préfère qu'on l'appelle Courgette, vit seul avec sa mère. Son père s'est enfui "avec une poule", et il passe ses soirées à ramasser les canettes de bière laissées par sa mère alcoolique, qui se laisse aller devant des feuilletons a l'eau de rose. Un soir, elle pique une colère noire et finit par se tuer en chutant dans les escaliers. Orphelin, Courgette est envoyé dans un foyer pour enfants.
© Ritaproductions
"C'est un lieu où personne n'est là pour nous aimer"
Adapté d'un roman de Gilles Paris, autobiographie d'une courgette, qui vise plutôt un public de jeunes adultes et d'adultes, le réalisateur a voulu ouvrir son oeuvre pour qu'elle devienne accessible aux plus jeunes. Le médium de l'animation, l'atténuation des scènes violentes et la durée condensée -le film ne dure que 68 minutes- en font un long métrage ouvert et permettent au réalisateur de traiter ces lourdes problématiques avec une dose de légèreté salvatrice.
Avec Courgette, on plonge tête la première dans le monde de l'orphelinat. S'il a perdu ses deux parents, l'un enfui et l'autre mort, il devient un intermédiaire privilégié, émouvant prétexte pour dévoiler la violence vécue par les autres enfants : si l'une aura vu son père assassiner sa mère, une autre aura développé une forme d'autisme suite aux attouchements de son père... Ces stigmates d'une brutalité inouïe laissent des traces indélébiles sur ces enfants, qui, de surcroit, finissent par être envoyés dans un lieu, le foyer, où ils pensent que "personne n'est là pour les aimer". Et pourtant, ils n'auront de cesse d'espérer et de vivre.
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Une réalisation pudique et foncièrement optimiste
Car Claude Barras, grâce à une réalisation pudique et tout en retenue, parvient à mettre l'accent sur la beauté des relations que tissent ses personnages entre eux, plutôt que de s'enfoncer dans le marasme de leurs tragiques histoires personnelles. C'est le vivant qui reprend le dessus, et l'on assiste à la résilience magnifique de ces enfants qui apprennent à nouveau à aimer et à faire confiance. C'est cette façon qu'a Claude barras de soulever une scène bouleversante en la faisant suivre d'une scène drôle et touchante qui fait de ce film un chef d'œuvre.
On pleure, bien sur, comment ne pas être touchés par de tels destins ? Mais on ne tombe jamais dans le lacrymal, car ce que nous montre le réalisateur ce sont de jeunes âmes qui vivent, qui aiment, qui se soutiennent, nimbées dans les couleurs vives choisies pour l'animation. On observe ces jeunes enfants se reconstruire un socle familial en se faisant des amis, en tombant amoureux, en apprenant que l'amour qu'ils n'ont plus de leurs parents existe aussi ailleurs...
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Si Claude Barras aurait pu faire un film grave, il nous offre au contraire une œuvre drôle, mesurée, pudique, poétique et touchante, un hymne magnifique à la vie qui sait toucher sans apitoyer.
https://youtu.be/b5ZrIORyhs4