Love and Friendship est une adaptation réjouissante mais inégale du roman épistolaire « Lady Susan » de Jane Austen, sympathique sucrerie ouverte sur les travers humains.
Au cœur de la société Anglaise du dix-huitième siècle et de ses majestueuses salles de réception, Lady Susan Vernon (Kate Beckinsale) s'illustre par son talent pour les manigances. Alors qu'elle attend que les rumeurs à son sujet, qui la soupçonnent de frivolité, s'éteignent doucement, elle élit temporairement résidence à Churchill, le domaine de son beau-frère. Une fois arrivée là -bas, la brillante et flatteuse Lady Vernon emploie ses talents de marionnettiste à marier sa jeune fille Frederica (Morfydd Clark). Pour mener ses plans à bien, elle s'aliène l'aide de son ami américaine Alicia (Chloë Sevigny) : pourtant, deux beaux prétendants (Xavier Samuel et Tom Bennett) vont compliquer ses projets.
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L'objectivité est difficile à atteindre lorsqu'il s'agit de Whit Stillman. Ce réalisateur de l'attente, qui en 26 ans de carrière n'a produit que cinq longs métrages, et qui nous touchait profondément avec Cosmopilitan, (oscar du meilleur scénario original en 1990) revient cette année avec une attendue adaptation de Jane Austen. Le retour était désiré, et, bien que distrayant, déçoit par un certain manque d'adresse et de profondeur. Cosmopilitan mettait au jour l'amour du réalisateur envers ses personnages, sa tendresse, sa délicatesse, qui trahissaient aussi bien sûr un amour pour l'Homme en général. Dans Love and friendship, la tendresse est présente mais manque de fond sur lequel s'appuyer. On perd en effet en consistance lorsque Whit Stillman fait de ces personnages les parangons d'un caractère comme chez La Bruyère (la veuve manipulatrice, la jeune vierge effarouchée, le riche idiot), sans réussir à creuser leurs intériorités, bien vite expédiées dès le début lors de leurs présentations respectives.
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Comme dans un roman de Madame de Lafayette, les noms sont si nombreux et les relations entre les personnages si rapidement exposées que l'on se perd sans trop comprendre à quelle sauce l'on va être mangés. On finit, heureusement, par s'y retrouver et par apprécier la qualité des décors et costumes d'époque. L'humour, caustique et d'esprit, se laisse savourer tranquillement, joli fil d'Ariane qui permet de lier des ressorts auxquels les personnages sont aveugles. On se délecte de ces paysages irlandais superbes et de ces maisonnées aristocratiques, pauses bien trop courtes entre les différentes scènes d'intérieur. Ces scènes, nombreuses et rapprochées, se répètent dans leur forme et dans leur déroulement verbeux qui, s'il amuse le spectateur au début, finira immanquablement par l'ennuyer. Les personnages sont pourtant campés par des acteurs excellents, dont une Kate Beckinsale versatile et puissante, et un Tom Bennett convaincant dans son rôle d'adorable grand bêta (Sir James Martin). On est ravis aussi de retrouver Chloë Sevigny et Stephen Fry, sans lequel il devient difficile d'imaginer une bonne comédie britannique.
Love and friendship est une belle bouffée d'air frais et d'humour, qui aurait gagné sûrement à être moins redondante dans sa forme, pour laisser éclore les graines d'humanité et de causticité semées avec parcimonie dans les dialogues.
https://youtu.be/XSMNHKqrCOo