De la nécessité d’être mou.
Au départ destiné à fournir au Japon une équipe de superhéros digne des Vengeurs américains, le comic de Marvel Les Nouveaux Héros (de son titre original Big Hero 6) voit son intrigue évoluer pour un concept plus fédérateur et émigrer au cœur d’une ville futuriste partagée entre Etats-Unis et Japon. Si l’idée de brasser plusieurs cultures pop avait tout d’une bonne idée, on ne retient que peu de chose de cette variation préadolescente du superclub des 6, film mécanique au squelette composite faiblard.
Le principal problème du film tient à son scénario. Deux voies sont esquissées : celle d’un groupe de « jeunes » réunis face à un vilain responsable de la mort d’un ami commun, et celle qui, marquée par l’influence de Spielberg, voit un adolescent, Hiro, tenter de surmonter son deuil par interaction avec un robot rondouillard, Baymax, avatar du disparu. Si les deux approches pouvaient se révéler passionnantes, force est de constater que l’alchimie recherchée n’y est pas.
La première proposition est désamorcée par le traitement des personnages. En-dehors de Hiro et Baymax, les membres du groupe ne sont que des figures caricaturales : pas suffisamment développés et assez peu présents dans l’intrigue, aucune empathie ne naît pour eux. Relégués au rang de sidekicks rigolos – et encore –, ils sont sacrifiés au profit des vrais héros du film. Et dans le fond narratif, et dans les scènes d’action, où ils occupent le méchant en attendant que le duo s’en mêlent.
Mais la relation entre l’adolescent et Baymax ne prend pas totalement non plus. Le temps de certaines scènes pointe une certaine émotion inhérente aux personnages. Des vidéos font resurgir une tristesse réelle chez Hiro – en cela, la question de l’approche de l’adolescence est étonnamment plus mature qu’ailleurs, quoi que pas du trait le plus fin – et Baymax possède un potentiel comique certain, héritier de Buster Keaton – il tombe et se tord dans tous les sens sans se faire mal. Indépendamment, l’entente poétique des héros fonctionne ainsi, selon l’inspiration des scénaristes, plus ou moins bien. Le souci, c’est le contexte général dans lequel évoluent Hiro et Baymax. La société les gangrène et les réalisateurs sont victimes de leur propre propos : s’ils pointent les abus d’une société qui fabriquerait des génies obsédés – d’où une sympathique scène hommage à Terminator –, le discours plane vers une nécessité de la technologie et une surenchère d’action. Dès lors, les personnages perdent toute profondeur et s’enlisent dans les propos bien-pensants. Sur le fond, l’adolescent est un gamin comme un autre et un proto Tim Cook, le robot l’héritage affectif d’un être aimé et un nouveau produit Apple.
L’image de Baymax qui voit son physique, contestataire dans sa lenteur et sa mollesse, transformé de force en figurine d’action, ersatz d’un certain milliardaire en armure, est caractéristique de ce film. A la position grinçante, il est préféré le confort du conformisme.
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