Avec "Le teckel", Todd Solondz offre un film aussi beau qu'intelligent, subtile et ironique réflexion sur les aspects les moins reluisants d'une humanité névrosée.
A travers le portrait d'un petit teckel, la caméra s'attarde sur tous les pauvres être humains que ce dernier va être amené à côtoyer. Quatre portraits drôlement décalés et sans fard.
Le canidé-saucisse comme vecteur d'étude sociologique
A la lecture du synopsis, il est bien impossible de rester stoïque. Todd Solondz est d'ailleurs, lui-même, un réalisateur très étonnant. Toujours porté par un style épris de liberté et d'originalité, il officie depuis les années 90 dans les avant scènes du cinéma indépendant. Cette année, il revient sous les feux de la rampe avec un film détonant et brillant.
© PROKINO Filmverleih GmbH
Le teckel, c'est l'histoire d'un teckel. Ou plutôt, celle des humains qu'il côtoie de près, et dont il sera le vecteur d'étude sociologique. C'est en effet à travers le trajet de cette petite saucisse courte sur patte - appelée tour a tour saucisse, tite crotte et cancer - que le réalisateur dresse le portrait saisissant et hilarant de quatre groupes de protagonistes, si proches de nous que cela en deviendrait presque effrayant : deux parents sans coeur et leur enfant empathique, une jeune femme dépressive, un réalisateur honnis et une vieille femme solitaire.
Caresser les névroses avec humour
Et avec Todd Solondz, la peinture de cette galerie nécessite la maîtrise de tous les outils audiovisuels dont il dispose, l'image en premier lieu. A chaque galerie de personnages correspondent des décors et costumes qui parlent de leur identité bien mieux que leur comportement : la jeune femme dépressive vêtue de couleurs tristes et délavées, le réalisateur sans succès et vieillissant affublé d'un ventre bedonnant et d'un costume passé, la famille glaciale occupant une maison ultra moderne et aseptisée... Visuellement frappant et hilarant - on pense au long plan qui suit les vestiges diarrhéiques du chien, étalés sur fond de musique classique - le film sait tout aussi bien se servir du médium dialogique pour illustrer ses vues.
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On retrouve ainsi Julie Delpy, qui interprète une mère dont l'empathie ne saute pas aux yeux -doux euphémisme-, expliquer à son jeune fils d'une dizaine d'années qu'incinérer un être "c'est comme passer au four" ; ou une grand mère, qui lorsque sa petite fille lui rappelle qu'elle était artiste, se contente de rétorquer "je n'ai fait que poser nue et écarter les jambes". Névroses, regrets, amertume, dépression, addictions, peur de la mort, maladie... Tous ces propos pesants que Todd Solondz parvient à tenir intelligemment grâce a l'originalité de son approche, caustique et humoristique, ainsi qu'à la légèreté de son ton. Même s'il s'étire parfois un peu dans le temps, Le teckel est une œuvre passionnante.
Esthétique, humoristique et philosophique, Le teckel étonne par le choix de son sujet mais ravit par sa causticité maîtrisée. Le chien se fait vecteur d'étude des vicissitudes humaines, décortiquées avec une tendresse et un humour si fin que la pesanteur n'a jamais lieu d'être.
https://youtu.be/9J1Z14uXgVY