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Critique : "Le Grand Jeu", un film de Nicolas Pariser

19 décembre 2015, par Untitled Magazine

Pour son premier long métrage sélectionné au festival de Locarno, Nicolas Pariser signe, malgré un parti pris original, un thriller politique quelque peu attendu, et qui ne semble pas dépasser le stade de l'intrigue un peu clichée, aux ficelles trop épaisses. L'intrigue développée se noue  autour de l'étude du lien entre le pouvoir et l'extrême gauche, étude qui prend ses racines dans le terreau de l'affaire Tarnac, mais qui s'en éloigne rapidement pour laisser place à la fiction politique, créée par le réalisateur.

On y découvre ainsi l'écrivain Pierre Blum (Melvil Poupaud), quarantenaire cynique et fauché, dont la vie de solitaire endurci est chamboulée par sa rencontre avec Joseph Paskin (André Dussollier), homme politique influent et joueur à l'aura mystérieuse. Rusé et manipulateur, il passe rapidement à Pierre une commande qui obligera ce dernier à se replonger dans un passé qu'il avait jusque là refoulé, et qui mettra leurs deux vies en danger. Au développement de cette relation dangereuse se superpose la rencontre entre Pierre et Laura (Clémence Poésy), jeune militante d'extrême gauche dont Pierre tombe amoureux.

© Bac Films © Bac Films

Le titre du film donne le ton en faisant appel à une référence double : l'une à Guy Debord, qui dans Les commentaires sur la société du spectacle compare le fonctionnement du monde contemporain avec la rivalité entre les services secrets anglais et russes en Afghanistan (appelée « Grand Jeu »), et qui sous entend la présence d'une multiplicité d'intrigues, si intriquées qu'elles en deviennent inextricables. L'autre à Roger Vailland, écrivain auquel Nicolas Pariser se dit attaché, qui écrivait dans les années 20 et 30 pour une revue nommée « Le Grand Jeu ». Une référence qui fait écho à la construction du scénario, l'autre à celle du personnage de Pierre Blum. On imagine aussi que ce titre renvoie au personnage de Joseph Paskin, incarné par un André Dussollier brillant dans ce rôle de manipulateur inconsidéré, à qui l'on reproche de ne pas savoir s'arrêter de jouer : au casino, en politique, avec sa vie et celle des autres.

Un jeu qui pèse sur les épaules des hommes du film, qui fait de ceux-ci des êtres totalement irresponsables, aveuglés par l'argent ou par le pouvoir, imperméables à la sagesse des femmes qu'ils côtoient : une partition caricaturale qui ne fait que prolonger les archétypes incarnés par les personnages. L'écrivain oublié en pardessus vintage qui se compromet pour de l'argent, l'homme politique en costume Armani entouré de mystères dont la fin justifie les moyens, la jeune intello de gauche qui vit dans une société reculée et utopique refusant la dictature bourgeoise... On s'ennuie, malgré quelques touches d'humour (« Louis c'est Lénine qui voudrait pas que sa mère s'inquiète trop ») qui permettent d'alléger le ton de confidence contraint et pesant qui traverse le film.

© Bac Films © Bac Films

Pourtant, on ne peut s'empêcher de penser que l'intention est bonne : le jeu sur les couleurs qui permet de raviver des lumières hivernales, qui auraient pu rappeler l'esthétique un peu classique des thrillers brumeux, ou encore le choix de faire de la communauté d'extrême gauche, dans laquelle évolue le personnage de Laura, une communauté raisonnée, et non hystérique comme on a l'habitude de la voir. On salue aussi l'envie de faire de ses personnages des êtres incarnés, qui parlent beaucoup, qui se justifient et qui se dévoilent plus que les personnages typiques du genre. En dépit de ces efforts, Nicolas Pariser semble passer à côté de certaines possibilités, laissant par exemple le personnage complexe et prometteur de Joseph Paskin au second plan, et négligeant certaines scènes, notamment celle de la course poursuite qui rappelle grossièrement les thrillers à gros budget américains.

Si l'intrigue est simple et l'ambivalence des personnages pas assez exploitée, on apprécie l'esthétique léchée et la qualité des dialogues qui permettent quand même au film de se démarquer du genre : un premier essai en demi-teinte qui pourrait pousser plus loin ses promesses

https://youtu.be/ndNadtkAZxw


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