Tate Taylor adapte le fameux roman éponyme de Paula Hawkins en transposant l’intrigue des banlieues londoniennes monotones aux suburbs américaines proprettes. Si le passage outre-Atlantique de "La fille du train" s’offre l’interprétation d’Emily Blunt, il perd en noirceur et édulcore quelque peu le sens initial. Un vrai film américain.
Rachel prend tous les jours le même train et passe tous les jours devant la même maison. Dévastée par son divorce, elle fantasme sur le couple qui y vit et leur imagine une vie parfaite… Jusqu’au jour où elle est le témoin d’un événement extrêmement choquant et se retrouve malgré elle étroitement mêlée à un angoissant mystère.
©2016 Constantin Film Verleih GmbH
Invraisemblables faux-semblants
Mais qui est la fille du train ? Celle paumée alcoolique qui, tout en observant les maisons proprettes des banlieues américaines, rêve d’une vie meilleure, une vie qui aurait pu être la sienne ? Ou bien celle qu’on observe à travers la fenêtre et dont la vie nous semble être tellement supérieure à la nôtre qu’on en vient à porter sur elle un regard teinté d’admiration et de haine ? C'est dans cet état de confusion permanent que nous plonge tout au long du film la réalisatrice de La Couleur des sentiments. A travers ce triptyque de femme, Tate Taylor dresse au vitriol le portrait du rêve américain version féminin ; celui d’une maison chaude et confortable dont le silence serait seulement troublé par les gazouillements d’un bébé heureux.
Très vite pourtant, le tableau se fissure et sous la croûte de couleurs chaudes apparaît peu à peu le clair-obscur de l’âme humaine. Là où l’ombre et la lumière cohabitent. Et la mère, qu’on pensait douce et attentionnée, se révèle soudain vipère opportuniste prête à tout pour accéder au bonheur de materner; la jeune et belle femme qui incarnait l’amour passionnel, une nymphomane compulsive prête à tout pour oublier un traumatisme d’enfance; la paumée alcoolique, un être manipulable et manipulé pourtant doté d’une vraie force de caractère.
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Un genre trop convenu
Pour renforcer ce sentiment, Tate Taylor use de subterfuges grossiers ; ressemblances physiques entre les personnages, errances temporelles entre passé et présent... La réalisatrice tente de créer un récit faussement décousu à la manière des errances d’un alcoolique un soir d’ivresse. Les jours se confondent et se ressemblent. Seul le visage d’Emily Blunt apparaît comme un marqueur fiable. Tantôt terne et congestionné par l’alcool, tantôt fringuant et paré d’une coiffure à la dernière mode, la réalisatrice prend autant plaisir à filmer la déchéance de Rachel qu’Emily Blunt à la jouer. Plans serrés, lèvres gercées, regard flou et larmoyant ; l'actrice de Sicario cabotine mais prouve une fois de plus l'étendue de son talent.
Reste qu’après les premiers instants d’égarements, le film s’organise peu à peu autour d’un schéma assez convenu, celui que nous impose Hollywood depuis maintenant plusieurs années ; à savoir des films aux contours arrondis dont les propos, aussi intéressants soient-ils, perdent de leur portée afin de les rendre compréhensibles au plus grand nombre. N’est hélas pas David Fincher qui veut ! Et le film aurait sans doute gagné en profondeur à retranscrire avec plus de fidélité la noirceur du roman, ou simplement à laisser au récit son contexte original.
La fille du train est un polar vraiment peu efficace, et ce malgré la bonne performance d’Emily Blunt. La mise en scène sans subtilité peine à maintenir le spectateur dans l’incertitude, et le dénouement final, grossier et violent, achève de faire tomber le film dans un genre mauvais. Le tout aurait été de savoir prendre le train au vol.
https://www.youtube.com/watch?v=5G6sZ9A8tKQ