logo UNTITLED MAGAZINE
Le webzine des plaisirs culturels
Rechercher
Instagram Facebook Twitter

Critique : Jupiter Ascending, d'Andy et Lana Wachowski

10 février 2015, par Untitled Magazine

Odyssée en voie d'extinction

The Wachowskis, intitulé sous lequel ils signent leurs films, s’échinent à proposer des projets innovants à un public capricieux et des studios de plus en plus frileux. Si Speed Racer (2008) et Cloud Atlas (2012) furent deux échecs commerciaux, le premier absorbait le blockbuster au sein d’un psychédélisme pop éclatant quand le deuxième démultipliait son scénario en une fresque complexe et orgiaque. Pour Jupiter Ascending, le duo de réalisateurs appuie ses thèmes favoris dans une épopée spatiale inédite, qui réveille nos envies de blockbusters, fondant le plaisir ludique du grand spectacle à celui, pur, de la recherche du merveilleux.

159 BBC 0050 cmp v1160 1010.tiff

Au sein de la grande Histoire imaginée pour l’occasion, celle qui nous intéresse ici voit Jupiter Jones, jeune femme de ménage russo-américaine, promise à un destin plus grand qu’elle n’aurait pu le penser. On ne saurait qu’être gré envers les Wachowski de nous livrer un film évoluant dans un univers riche, cohérent et surtout original, bien qu’accompagné d’une multitude de références à la grande histoire SF. On croise pêle-mêle des influences vidéoludiques (Mass Effect), bd (L’Incal, Gundam) et bien sûr filmiques – comment ne pas penser à Star Wars ? L’accomplissement de l’hommage se trouvant en une apparition de Terry Gilliam, auxquels les réalisateurs empruntent, le temps d’une séquence, la désorganisation administrative de Brazil. On évite l’écueil du fanfilm, seul pot-pourri indigeste. Les espèces se multiplient, folklore fourni. L’architecture des bâtiments se nourrit d’une esthétique européano-organique, conférant aux vaisseaux grâce animale et résonnance baroque. Quant aux costumes, on peut s’avancer sur des influences trekkies et rococo. Ce foisonnement répond à la logique d’un monde qui lui est propre, organisée autour d’une mythologie dont le scénario n’est qu’une des histoires à développer.

JUPITER ASCENDING

D’une apparente et déconcertante simplicité, qui le rapproche des contes initiatiques, le scénario est habité par des thématiques chères aux Wachowski : la génétique, la question de l’héritage, l’entre-deux… Parmi elles se trouve mise en avant l’affirmation de la femme dans une société machiste. Jupiter est d’abord victime des évènements. Elle sera peu à peu libre de ses décisions, de ses actions et de ses gaffes, jusqu’à prendre la place, droite dans ses bottes, de celui qui l’a sauvé au début du film. Et au lieu d’appuyer cette prise de position par des enjeux ou des caractérisations poussés au risque d’être moralisateurs, les réalisateurs s’amusent indirectement avec la féminité – qui aurait osé montrer une serviette hygiénique gorgée de sang (masculin) dans un blockbuster hollywoodien ?

JUPITER ASCENDING

Les Wachowski démontrent une nouvelle fois leur maestria visuelle. Le montage sert les scènes d’action par une fluidité et une lisibilité exemplaires, malgré la profusion des couleurs flashy, caractéristique wachowskienne. Non content d’assumer cette aisance insolente, ils se permettent de placer en début de film une séquence digne d’un final, sans pour autant amoindrir l’impact de celles qui suivent. On pourra reprocher au film des raccourcis scénaristiques, apparemment indispensables pour tenir le rythme tendu, des dialogues sans génie particulier, une interprétation au final bien peu marquante de Mila Kunis, nouvelle héritière galactique quelque peu lisse. Certains trouveront également à redire sur le peu d’innovations liées à l’univers inventé face à ses prédécesseurs. On se contentera d’affirmer qu’une construction aussi carrée et fiable vaut bien les éternels et fades suites/reboot dont on est constamment servis.

jupiter-ascending-feat-1

L’échec du film au box-office US traduit deux faits. Le public, tout d’abord, n’ose plus s’aventurer dans des univers qui lui sont étrangers. Peut-être la faute aux producteurs qui, deuxièmement, poussés par une recherche de profits qui finira par s’épuiser, ne laissent plus de place à la nouveauté. Triste perspective. Dans un futur proche, on pourra au moins se vanter d’avoir vu au cinéma un des vestiges du divertissement hollywoodien.

[su_youtube url="https://www.youtube.com/watch?v=TLyk00gFPdQ"]


auteur
Le webzine des plaisirs culturels.


Retour

Articles similaires

Les Éclatantes #5. Ateliers, expos et lives de Claire Laffut et Pépite
Dans un jardin qu'on dirait éternel - au cœur de l’art du thé japonais
« Imagine Pablo », le nouveau podcast du Musée national Picasso-Paris
Podcasts : de la culture à écouter
« Habitudes » : un tout nouveau podcast autour de l'habillement
Sélection "girl power"
Part-Time Friends : "Notre truc, c'est d'essayer de faire des bonnes chansons"
Magma : les témoins de l’Histoire ont désormais leur podcast
Inscrivez-vous à notre newsletter :
Site réalisé par
Ciel Bleu Ciel