Pour son premier long-métrage tourné en France, Ounie Lecomte passe complètement à côté de la pantomime qu'elle s'était donné pour ambition de présenter : en résulte une réalisation froide et sans saveur, au sein de laquelle semblent se débattre des acteurs pourtant convaincants. Elisa (Céline Sallette) a trente ans lorsqu'elle décide de déménager à Dunkerque, ville qui l'a vue naître sous X, accompagnée de son petit garçon Noé. En poste de remplacement dans un cabinet de kinésithérapie, elle part à la difficile recherche d'une mère inconnue qui se refuse au dévoilement. Face à ce mutisme, la soif de savoir d'Elisa ne s'épanche pas, et ses recherches obstinées vont l'amener à marcher sur des terres déjà foulées par des souvenirs et des espoirs déçus qu'elle ne soupçonne pas.
On entre avec joie dans la salle pour suivre la quête identitaire d'Elisa, impatients d'assister à l'explosion émotionnelle orchestrée par le mélange d'instruments choisis harmonieusement par Ounie Lecomte. Parce qu'il faut le dire, tout donne envie : le titre déjà, « Je vous souhaite d'être follement aimée », qui renvoie à la dernière phrase de la lettre qu'André Breton adresse à sa fille et qui clôt L'amour fou ; la musique organique et pulmonaire d'Ibrahim Maalouf ensuite, qui résonne en toile de fond comme une respiration pulsée, mais aussi les images diaphanes et fondues de Caroline Champetier dont les flous font parfois penser au Persona de Bergman, le parallèle orchestré entre corps physique et corps émotionnel, la quête d'identité qui se superpose à l'étouffante latence d'un manque qui ne trouve pas de mots pour s'exprimer...
Pourtant, ça coince : Le film met trop de temps à démarrer et les longueurs s'accumulent. Les personnages d'Elisa et d'Annette (Anne Thomas) sont d'une pudeur assez pesante, qui les rend malheureusement plus apathiques que touchantes. Si les actrices sont convaincantes, les rôles écrits pour elles manquent leur cible; on a l'impression de frôler l'émotion, de l'effleurer sans jamais vraiment l'atteindre. Le spectateur passe à côté aussi parce que certaines scènes sont à la limite du risible : lorsqu'Elisa se retrouve avec la famille d'Annette dans un bar, on croirait assister à une scène de Plus belle la vie. Aussi, la plupart des scènes qui se déroulent dans le cabinet de Kinésithérapie entre Elisa et Annette sont paradoxalement assez peu charnelles, ce qui nuit au propos du film. Une séquence marque pourtant par la douceur de l'échange qu'elle figure, celle qui fait prendre à Annette une position embryonnaire et la place dans les bras protecteurs d'Elisa : un moment touchant qui ne parvient pas à rattraper la langueur d'un film qui ne convainc pas.
On aurait aimé toucher l'universalité, suggérée par le choix du sujet : la quête d'identité, la forme d'alexithymie provoquée chez l'enfant prématurément abandonné, la difficulté des relations filiales... Tout aurait pu, tout aurait du toucher. On se heurte pourtant à l'impersonnalité de personnages hésitants, lents, mutiques, qui répond à la dure ferraille du cadre industriel dunkerquois choisi par la réalisatrice. C'est vraiment dommage, parce que le parti pris d'Ounie Lecomte était bon et que le travail technique est une vraie réussite. En sortant de la salle on ne peut que se dire, comme Elisa lorsqu'elle découvre l'identité de sa mère biologique : « C'est pas ce que je cherchais ».
https://youtu.be/yq9oos5MeK8