Les Grâces et la beauté.
César doit mourir, le précédent film des frères Taviani, était l’un des objets les plus singuliers de 2012. Documentaire, fiction ou mélange indéfini des deux, il jouait de ce trouble qui sépare l’activité artistique du « reste » de la vie, comment l’un influe sur l’autre, et démontrait finalement l’impossibilité de les isoler. L’art dans la vie, l’art de vivre. Contes Italiens peut être vu comme une variation de cette philosophie. L’amour et la jeunesse sont portés à bras tendus dans cette achronie filmée, entre réjouissance et ennui poli.
Le contexte historique dans lequel ces contes vont nous être présentés est posé par le prologue : 10 jeunes gens fuient une Florence rongée par la peste pour une villa pastorale, propice à l’épanouissement du sentiment amoureux, dont chacun est empli. Du Décaméron de Boccace, auteur italien du XIV° siècle, dont il est adapté, Contes Italiens tire son essence, sa forme et cinq nouvelles.
La beauté de la jeunesse est appréciée par la mise en scène. Elle met les jeunes femmes et hommes en lumière, évoluant dans des espaces chatoyants et romantiques. L’image, colorée par un spectre large, se veut franche dans les passions, érotiques mais chastes, qu’elle donne à voir. Ainsi des filles se baignant, vêtues de toges blanches, vues comme des muses ou autres esprits purs de la nature. Tous, dans la villa, ne sont que sourires ou pleurs, gaieté loin de la maladie de la ville. La peste, c’est le mal qui sévit aussi bien dans l’Italie pré-Renaissance qu’aujourd’hui, métaphoriquement. Les Taviani prônent donc la force irrésistible de la jeunesse et ce que celle-ci exprime. Par un regard au bleu profond, une main caressant un cou. Ou par l’art du récit lui-même.
Dans chacun des contes est mise en avant une idée du romantisme, que celui-ci draine dans son sillage jalousie, bêtise ou mort. L’humour est présent et bienvenu, et permet de dévier d’une direction d’acteurs quelque peu ampoulée. Le jeu, chez les Taviani, ne cherche pas le réalisme. Tout au contraire, il faut se sortir de la réalité, le temps de s’emplir l’esprit dans un champ artistique idéalisé, et y retourner, prêt à se défendre (ou mourir, comme le Giulio Manieri de Saint Michel avait un coq). Une sorte de cinéma militant pour l’art par la grâce. Si cette position est admirable, la passivité l’emporte le plus souvent devant tant de charme. Les acteurs sont d’une beauté archétypale, à rapprocher de celle des statues antiques. Ils incarnent l’idéal de la beauté, dans leur physique et leurs actions. Les laids, eux, sont de mauvaises personnes. Cette vision manichéenne ne peut être remise en cause, elle est l’apanage des contes. L’intérêt qu’on pourrait éprouver pour ces personnages en est amoindri et comme le film les place au centre de son système, il finit par lasser.
Contes Italiens est une œuvre cohérente au message allégorique estimable. Mais, dans une société où la pureté est vite devenue fadeur, l’entrain manque par moment pour emporter tout à fait le spectateur. Le documentaire convient peut-être mieux à l’idéal des Taviani. Rattaché à une réalité, mise en scène ou non, il n’en faudrait pas plus pour nous rappeler à la beauté de l’art.