Du cirque au théâtre, de l'anonymat à la gloire, tel est l'incroyable destin du clown Chocolat, premier artiste noir de la scène française. Le duo inédit qu'il forme avec Footit, va rencontrer un immense succès populaire dans le Paris de la Belle époque avant que la célébrité, l'argent facile, le jeu et les discriminations n'usent leur amitié et la carrière de Chocolat.
Copyright Julian Torres / Mandarin Cinéma - Gaumont
Chocolat est la quatrième réalisation de Roschdy Zem. Il aborde ici ses thèmes fétiches : l’exclusion sociale, les discriminations raciales, et l’émergence d’un besoin de dépasser sa condition préétablie.
L’histoire de Chocolat est restée longtemps oubliée, et l’on voit bien à travers ce film la volonté pour Omar Sy de réhabiliter cet artiste. Le meilleur témoignage restera sa performance d’acteur, qui, une fois de plus, affirme son talent dans des rôles plus tragique que comique. Son personnage affronte le racisme ambiant de l’époque, et tend à généraliser cette discrimination, y compris auprès des gens qui lui veulent du bien.
La performance de tous les acteurs est d’ailleurs à valoriser, avec d’excellents seconds rôles. Par ailleurs, l'ambiance des années 20 avec les costumes d'époque est bien retranscrite.
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La réalisation de Roschdy Zem souffre cependant de beaucoup de longueurs. Le réalisateur hésite : film sur un duo ou sur l’ascension d’un seul personnage ? Les libertés prises avec la véritable histoire sont un problème pour le réalisateur. On ne comprend pas bien les motivations de Footit, car Roschdy Zem essaye d’en faire un personnage ambivalent, à la recherche lui aussi d’une rédemption sans que nous sachions vraiment laquelle. L’équilibre du binôme comique s’effondre tout au long du film, et la fin de carrière de chacun est absente au profit d’une ellipse mal convenue.
Plus gênant, le réalisateur n’arrive jamais à émerveiller avec les spectacles du duo qui tombent à l’eau lorsqu’ils sont filmés. C'est à se demander s’il n’aurait pas fallu exclure ces performances du scénario, ce qui n’aurait pas nui à la retranscription de la vie des deux protagonistes. On aurait alors eu un film complètement axé sur l’envers du décor. L’exemple le plus flagrant étant la performance la plus intense d’Omar Sy au moment du passage de Chocolat sur la scène théâtrale. Chocolat/Omar Sy n’est jamais aussi convaincant qu’à ce moment-là, et ne nous rappelle que trop les scènes de cirque qui tombaient à plat précédemment, en lui offrant un contrepoint.
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Seule la rencontre entre Chocolat et un poète noir emprisonné est bien trouvée. Cette filiation entre l’artiste qui monte sans voir qu’il est exclu de la société, et l’homme éduqué qui va lui rendre cette lucidité en essayant de faire de lui un leader de pensée, n’est pas sans rappeler celle entre Mohamed Ali et Malcom X dans les années 60.
Chocolat est un film bancal, miné par des longueurs, avec un fil scénaristique mal convenu, et quelques choix de réalisation discutables.
La bonne idée reste l’introduction des frères Lumière, et l’écho final de leur film sur le duo mis en scène ici ; mais cette conclusion laisse également un sentiment amer devant cette performance filmique de 2min, que le film Chocolat n’a malheureusement jamais réussi à atteindre en 2h.
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