Captain Fantastic, le nouveau Matt Ross, touche par la justesse de son parti-pris sur notre société. Très attendu, on y retrouve un Viggo Mortensen magistral, dans ce que l'on pourrait définir comme l'un de ses plus beaux rôles. Pour ce film riche, quatre mains et deux regards de la rédaction s'associent pour vous donner leur avis.

Ben est un père de famille qui a décidé d'offrir à ses enfants une éducation différente. Loin des codes sociaux habituels, qu'il récuse, il part construire dans la forêt un microcosme autonome. Avec ses enfants, il chasse, pêche, parle de métaphysique et potasse Platon. Un mode de vie qui sera remis en question lorsqu'ils seront obligés de retourner à la civilisation...

© Mars Distribution

Portrait de famille en creux - Julie E. A.

Avec Captain fantastic, Matt Ross trouve un angle original pour questionner les normes sociales. En choisissant le biais de l'éducation, il remet en question à la fois les choix de tout un système social, mais aussi ceux, plus intimes, de toute figure parentale. Viggo Mortensen éblouit dans son rôle de père marginal, déchiré entre la pression d'un monde moderne duquel il est difficile de s'extraire définitivement, et la volonté de faire de ses enfants des êtres indépendants, intellectuellement et matériellement. Le film parvient d'ailleurs bien à montrer les limites d'une telle éducation - lorsque, notamment, l'aîné reproche a son père de ne pas lui avoir appris ces codes sociaux qui l'empêchent de socialiser - mais reste un peu trop binaire dans son propos : ses enfants sont tous des génies à la science infuse, capables de réciter le code civil au mot et à la lettre ou de se faire des private jokes en espéranto. Il est bien impossible de savoir ce que des enfants d'aujourd'hui seraient capable d'absorber si on leur soustrayait leurs distractions modernes, mais on doute forcément qu'ils soient tous capables de parler 5 langues et de comprendre Aristote. Le plus marquant, pourtant, c'est que le film reste extrêmement touchant, humain, et proche de ses personnages, liés par un amour qui dépasse convictions et critiques. Un portrait de famille émouvant, porté par des acteurs convaincants et une narration plutôt cohérente.

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Questions d'éducation - Sandra B.

Bien que les scénarios qui mettent au pilotis la société soient de plus en plus courants, Captain Fantastic a la particularité de montrer un système d'éducation autre. La très belle initiative de penser une famille qui s'isole des diktats, aujourd'hui mondialisés, est maniée avec soin. Premier plan : une scène de chasse. La petite famille s'organise comme au temps des trappeurs pour servir le repas. Grimage, immersion dans la nature, chasse, dépeçage. Un premier plan qui en dit long sur le reste du film. L'ambiance sera au retour vers une nature fondamentale. Les programmes quotidiens sont élaborés, chronométrés et mesurés. Un entraînement sportif, le partage des tâches quotidiennes et surtout l'éducation. Cette dernière se teinte d'une revendication particulière au jour où l'apprentissage est plus que jamais tiré vers le bas. Une éducation théorique qui s'approche ici bien plus de l'érudition, que de ce que l'on pourrait constater dans les classes du monde entier. Pourtant, la lecture des livres ne fait pas tout et c'est très justement que sera pointé du doigt le manque d'humanité et d'interaction que vivent ces enfants coupés de tous repères sociaux. L'éducation est l'un des points de vie les plus soulevés dans ce film, et c'est celui qui fait certainement couler le plus d'encre, preuve que nos sociétés n'ont pas encore trouvé le moyen d'allier vivre ensemble, besoins économiques et matière grise. Mais il y a aussi la famille et le poids des attentes, la place du jugement et d'une forme de ségrégation de la différence, la maladie et l'impuissance face à laquelle elle nous met. Captain Fantastic est un véritable petit écrin de réflexion dont la tendresse résonne encore des mois après.

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