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Critique : "Bleeder", un film de Nicolas Winding Refn

24 octobre 2016, par Untitled Magazine

On trouve dans "Bleeder" l'un des films les plus personnels de Nicolas Winding Refn, ainsi qu'une sorte d'esquisse de tous ceux qui allaient suivre. Un film qui prend encore plus de sens lorsqu'on le situe dans l'oeuvre du cinéaste. 

A Copenhague, Léo (Kim Bodnia) apprend qu’il va être papa. Effrayé par les responsabilités qui lui incombent, il commence à perdre la tête, surveillé de près par son beau frère Louis (Levino Jensen). Au même moment son ami Lenny (Mads Mikkelsen), grand timide passionné de cinéma tente de déclarer sa flamme à une jeune vendeuse voisine (Liv Corfixen).

Au temps des premiers tâtonnements

Porté par le succès et les mêmes acteurs principaux que Pusher, c’est seulement près de dix-sept ans après sa sortie au Danemark que Bleeder parvient en France - sa société de production ayant fait faillite avant la possibilité d’une distribution européenne. Alors que The Neon Demon  apportait récemment les dernières prouesses visuelles du cinéaste, il fait l’effet d’une plongée dans les tâtonnements stylistiques de ses premiers films, à une époque où ces derniers se teintaient d’un certain nihilisme.

Bleeder raconte deux histoires dans lesquelles les protagonistes se suivent et se croisent au rythme de leurs projections cinéma. Pourtant, chacune se déroule presque indépendamment de l'autre. Louis fait sombrer Léo dans une violence qui finira par s'abattre sur sa sœur, tandis que Lenny aborde plusieurs fois une jeune vendeuse qui lui plaît, incapable de parler d'autre chose que de cinéma. Tragique et violence d'un côté, romantisme et fleur bleue de l'autre. Comme deux réponses qui peuvent être apportées à une certaine misère sociale.

Copyright Bac Films Copyright Bac Films

Un parcours marqué par le cinéma de genre

Si l’importance de la forme chez Nicolas Winding Refn est souvent venue anéantir les idées par des symboliques trop lourdes et usées, on trouve dans Bleeder une sorte d’équilibre entre ces dernières. Moins transgressives et plus personnelles, les idées parviennent à dépasser le stade de l’évocation maladroite pour atteindre leurs revendications. Le choix des décors et de la lumière restent évocateurs, et ce film semblait déjà annoncer  la passion du cinéaste pour les visuels coups de poing, qui fonderont en grande partie sa réputation, tout comme son utilisation des symboles. Dans Bleeder, ces derniers semblent plus témoigner de certains exercices de style d’un jeune réalisateur amoureux du cinéma de genre, que d’une quelconque prétention auteuriste (ce qui a pu faire défaut par exemple à Only God Forgives) -comme en témoigne le début du film avec des travellings répétés sur la collection de VHS du vidéo-club, ou la présentation de chaque personnage avec une musique différente.

En somme, Bleeder offre une vision d’ensemble de ce qu’allait être le parcours du cinéma de Refn ; son émancipation du cinéma de genre malgré sa fascination pour celui-ci, la récurrence de ses thématiques, sa rigoureuse et constante recherche esthétique, ou encore son goût immodéré pour l'humour noir dans la violence.

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Une oeuvre sociale, critique et personnelle

Refn nous livre sûrement l’un de ses films les plus personnels, tout d'abord parce que c’est celui où il semble le plus expérimenter, mais aussi parce qu’il s’inspire de lui-même pour en créer la substance (il le dédie d'ailleurs à sa mère, fait souvent parlant). Le personnage de Mads Mikkelsen, cinéphile isolé et introverti, constitue son double adolescent lors de ses études à New York : perdu dans une passion qui le dévore au point de le rendre asocial. Les personnages sont peu étoffés mais restent réalistes, et le jeu des acteurs montre avec perfection leur solitude dans un milieu inhospitalier au possible. A la fois fragiles, maladroits et violents, ils n’en restent pas moins tous dotés d’une profonde sensibilité. Entre critique sociale de la misère et de la montée du racisme au Danemark, le cinéaste fait aussi passer son message qui aborde aussi bien la sensibilité masculine, l'angoisse de la paternité et l'enfermement dans une passion.

Nicolas Winding Refn frappe fort pour son deuxième long métrage, et le découvrir aujourd’hui s’avère d’autant plus instructif que le parcours du personnage est tout sauf atypique. Il nous livre l’une de ses œuvres les plus sensibles et les plus personnelles, dans laquelle on peut trouver autant de clés pour analyser son oeuvre que de prémices aux films qu’il allait réaliser ensuite tels que Drive ou Pusher 2.

https://youtu.be/QG5FCGHpNHQ


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