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Critique : "Beira-mar, l'âge des premières fois", un film de Marcio Reolon et Filipe Matzembacher

19 février 2016, par Untitled Magazine

Sélectionné en avant-première à la 65e édition du Festival International du Film de Berlin section Forum, Beira-mar ou l'âge des premières fois porte son nom comme un hymne : la première fois des réalisateurs, des personnages, du scénario tremblant qui met du temps à remplir les ambitions qu'il s'est donné pour objectif d'atteindre, évoquant le passage de l'adolescence à l'âge adulte comme un entre-deux froid dans lequel il est dur de se (re)projeter. Le cadre est celui d'un Brésil hivernal et maritime, dans lequel évoluent tranquillement les deux adolescents principaux, Martin (Mateus Almada) et Tomaz (Mauricio José Barcellos). Martin est envoyé par son père sur le littoral, bastion d'une famille qu'il n'a jamais rencontrée. Il propose donc à son meilleur ami Tomaz de l'accompagner, dans une tentative à peine cachée de raviver une amitié qui s'essouffle. Tomaz accepte et les deux jeunes adolescents, une fois coupés du monde, se laissent aller au plaisir paradoxalement pesant de leurs quêtes identitaires respectives.

© Epicentre Films © Epicentre Films

Les réalisateurs, Marcio Reolon et Filipe Matzembacher, sont jeunes et ça se voit : on est plongés in medias res dans une intrigue à laquelle on ne comprend rien, où se débattent des personnages dont la cohérence est faible. Un petit bout de relation amicale par ci, un petit coup de visite familiale par là (on ne sait d'ailleurs pas avant 45 minutes qu'il s'agit de la famille), un petit coup de fête arrosée à l'alcool pour recentrer le sujet... A vouloir parler de tout, les réalisateurs finissent par ne plus parler de rien. On pourrait arguer que la désorientation du spectateur répondrait à celle des personnages qui ne cessent de se chercher ; pourtant, tout ce que les flous caméras et les portés épaules nous laissent, c'est un désagréable arrière goût de lassitude agacée.

© Epicentre Films © Epicentre Films

Cependant, le scénario s'illustre dans sa capacité à éviter avec finesse l'accumulation barbante des poncifs du Teen movie version cinéma d'auteur. Si l'on oublie la scène où les deux amis jouent aux jeux vidéos si énergiquement qu'on s'imagine une masturbation partagée, tous les rapports à la découverte et aux jeux relationnels sont montrés avec délicatesse : les regards qui se perdent sur une mer symbolique que l'on entend en off, la découverte de l'homosexualité de Tomaz qui se fait tout à fait naturellement, sans coming-out cliché et réducteur (ça nous viendrait pas à l'idée de dire à notre ami hétérosexuel : « Mais oh mais pourquoi tu me l'as pas dit avant ? »), la douceur des rapports qui se créent avec la famille de Martin et qui lui permettent de compléter sa quête identitaire (« Tu es de la famille »). Et non, les cheveux bleus de Tomaz n'ont rien à voir avec le bleu des cheveux de Léa Seydoux dans La vie d'Adèle : ils sont le résultat d'une réminescence de Martin, qui s'était perdu sur la plage et que les sauveteurs ont placé sous un drapeau bleu pour que ses parents le retrouvent. Pratique courante au Brésil qui signifie "enfant perdu à la plage". Métaphore subtile de la perte de repères.

© Epicentre Films © Epicentre Films

Les rapports des deux personnages évoluent bien, très patiemment, et dans les 30 dernières minutes du film on se ravit de la tournure que prennent les choses : l'ambiance glaciale du début s'efface devant la chaleur d'une joie partagée et d'une quête accomplie, les pièces s'imbriquent et les langueurs du début s'oublient devant le déroulement plus naturel de l'action. On regrette douloureusement la première heure d'errance et de blancs narratifs dont l'opacité occulte de beaux efforts de réalisation, qui permettent d'éviter un déroulement trop attendu et auront le mérite de nous avoir fait découvrir un Brésil sans soleil et boas en plumes. 

https://youtu.be/6KAaE5WuSuc


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