logo UNTITLED MAGAZINE
Le webzine des plaisirs culturels
Rechercher
Instagram Facebook Twitter

Critique : « Arrêtez-moi là », un film de Gilles Bannier

8 janvier 2016, par Untitled Magazine

On peut le dire, avec Arrêtez-moi là aux côtés de Mistress America, cette première semaine de sorties cinématographiques 2016 démarre fort. L'année 2015 n'aura pas été avare en bons films Français tels que Asphlate ou encore Les roi du monde et Arrêtez-moi là est une énième preuve que notre cinéma est bel et bien vivant, toujours prompt à proposer des produits de qualité avec des acteurs talentueux, Reda Kateb en tête. Réalisé par Gilles Bannier, showrunner de la seconde saison d'Engrenage, Arrêtez-moi là est un film dramatique puissant entraînant le spectateur dans la descente aux enfers de Samson. Un cauchemar aux allures de tragicomédie par moment.

Dès le début, Samson (Reda Kateb) nous est présenté comme un personnage bon, le cœur sur la main, toujours prêt à rendre service. Faire les courses pour sa voisine âgée, transporter gratuitement au volant de son taxi deux étudiants ivres... l'homme a tout du « type bien » qui gagne honorablement sa vie. Alors comment ce personnage sans histoires va-t-il se retrouver dans la spirale infernale de l'erreur judiciaire ? Un simple concours de circonstances. Dès son arrestation, Samson est considéré comme coupable par les enquêteurs de l'enlèvement et peut-être le viol, l'homicide d'une petite fille : en somme le comble de l'immoralité pour bon nombre de personnes. Gilles Bannier arrive parfaitement à nous faire comprendre quels petits détails de cette journée où tout a basculé ont fait de Samson le coupable idéal. Samson sait écouter mais a beaucoup du mal à communiquer : sa seule défense consiste à clamer son innocence à tous avec désespoir, l'impression que celui-ci parle à un ensemble de murs réfractaires à ses complaintes gagne rapidement le spectateur. Même son avocat commis d'office totalement incompétent, véritable personnage tragicomique, semble le considérer comme coupable et lui assène comme premier conseil d'indiquer aux enquêteurs où se trouve la petite fille... ou son corps. Grâce à la fluidité du récit dans l'enchainement des situations et l’enveniment de celles-ci, le spectateur est plongé à la place de Samson dans cette épreuve infernale et ne peut que faire preuve d'empathie à son égard. Il faut dire que le jeu de Reda Kateb, acteur dont le talent n'est plus à prouver, frôle la perfection. On reste scotché à l'écran devant tant sa prestation.

Il est aussi intéressant de voir comment Gilles Bannier tourne en dérision un système judiciaire bourré de contradictions. Tout d'abord le principe de présomption d'innocence, selon lequel toute personne accusée d'un délit est innocente tant que sa culpabilité n'a pas été prouvée, est ici totalement ignoré. Ignoré par l'avocat de Samson, par l'opinion public, par les lieutenants ayant enquêté sur l'affaire... Samson est coupable, un point c'est tout. Pas besoin d'un procès pour que ses détracteurs réclament la chaise électrique. D'autres contradictions sont montrées comme l'expulsion du personnage principal de son logement impayé : logique puisque celui-ci ne peut pas travailler car il se trouve en prison. L'humiliation est totale. Même son chat, compagnon de toujours dont la relation montrée est attendrissante, lui est retiré pour être placé dans une famille d’accueil.

 Reda Kateb, Léa Drucker et Gilles Bannier lors d'un Q/R après la projection de Arrêtez-moi là. Reda Kateb, Léa Drucker et Gilles Bannier lors d'un Q/R après la projection de Arrêtez-moi là.

Il est également intéressant se concentrer sur le parti pris esthétique de Gilles Bannier. Le réalisateur privilégie les plans caméra à l'épaule, tremblants, ainsi qu'une photographie faisant la part belle aux lumières naturelles. Comme une tentative de se rapprocher du réel et offrir une immersion encore plus grande dans la vie de Samson. Beaucoup de scènes comptent d'ailleurs des figurants véritablement détenus de prison et d'autres laissant penser que les gens filmées dans la rue n'étaient pas forcément au courant qu'un film se tournait (notamment celle pendant laquelle Samson et sa copine marchent un soir le long de la plage).

Arrêtez-moi là est donc une réussite. Une bonne adaptation du roman The Cab Driver de Iain Levison le tout avec une patte et un style bien Français. Reda Kateb offre une prestation bluffante d'une heure cinquante dans rôle d'un chauffeur de taxi le cœur sur la main, tout comme dans Lost River de Ryan Gosling, mais dans un registre totalement différent. Une plongée dans le système judiciaire Français et ses contradictions mais également la vie de Samson et le cauchemar éveillé que vit cet homme sans problèmes.

Cette critique a volontairement occultée la seconde partie du film, le dénouement du procès de Samson, pour vous laisser le découvrir et apprécier les nombreux rebondissements de Arrêtez-moi là.




auteur
Le webzine des plaisirs culturels.


Retour

Articles similaires

Les Éclatantes #5. Ateliers, expos et lives de Claire Laffut et Pépite
Dans un jardin qu'on dirait éternel - au cœur de l’art du thé japonais
« Imagine Pablo », le nouveau podcast du Musée national Picasso-Paris
Podcasts : de la culture à écouter
« Habitudes » : un tout nouveau podcast autour de l'habillement
Sélection "girl power"
Part-Time Friends : "Notre truc, c'est d'essayer de faire des bonnes chansons"
Magma : les témoins de l’Histoire ont désormais leur podcast
Inscrivez-vous à notre newsletter :
Site réalisé par
Ciel Bleu Ciel