UNTITLED MAGAZINE
Jusqu’au 2 octobre 2016, la maison de Balzac se penche sur la représentation d’Honoré de Balzac, figure éminente du XIXème siècle. Entre mythe et réalité, le musée nous propose de découvrir qui était réellement ce monstre de travail aux mots précis, à la pensée sociale fine et à la verve habile.
Autour du personnage de Balzac et de sa production s’est créé un véritable mythe. Décrit par ses contemporains comme une machine à écrire, laissant à sa postérité l’œuvre la plus colossale jamais rédigée sur les classes sociales, La Comédie Humaine, il est souvent représenté comme solitaire, appuyé à une petite table en bois, la main griffonnant sans fin des mètres de papier. Cette légende ascète, bien que grandement fondée par la rude discipline littéraire qu’il s’imposait, n’est pourtant pas tout à fait exacte et mérite éclairage. Balzac était fou d’écriture, mais son génie s’est construit au fil de ses rencontres, inspirations multiples et sociales.
Honoré de Balzac (1799-1850). "Manuscrit corrigé du sonnet La Pâquerette dans les Illusions perdues". Paris, Maison de Balzac.
L’homme scientifique
L’exposition Balzac et les artistes, mythe et réalité se découpe en six temps, six temps qui replacent l’artiste dans le contexte d’une société où la science évolue, réfléchissant sur les phénomènes qui l’entourent, et où l’activité artistique était prolifique : théâtre de rencontres en tous genres, foisonnement de la perception, richesse de l’échange. Point de départ de l’exposition, un portrait de l’auteur est présenté. La première salle est tapissée de mots, d’extraits de notes, de critiques et descriptions faites sur Balzac, sujet intarissable qui continue de fasciner. « Il est petit, un peu gros et a beaucoup de feu dans les yeux. Le fameux romancier est légitimiste » avançait, en décembre 1841, Vladimir Alexéiévitch Moukhanoff. Descriptions littéraires, représentations picturales, modelés en reliefs, tous ont essayé de saisir l'essence même de l’artiste.
Honoré de Balzac est avant tout un fin observateur. Le XIXème est siècle de classification. Soucieux de mieux comprendre leur environnement, les scientifiques décortiquent ce qui les entoure. Buffon, et Charles Darwin à sa suite, entameront une faramineuse recherche sur le monde du vivant dans l’optique d’expliquer la place de toutes choses. Cette construction scientifique est reprise par Balzac dans une dimension toute autre : il se fait architecte social et catégorise l'Homme. La Comédie Humaine suit ainsi trois sections où se répertorient tous les romans attenants : les études analytiques (principaux principes et théories qui gouvernent l’existence), les études philosophiques (qui réfléchissent les actions et phénomènes sociaux) et enfin les études de mœurs (qui illustrent, par scènes, ces réflexions). Catégoriser, classifier suivant une manière de s’habiller, une alimentation, un lieu de vie, penser en dépassant les systèmes de typologie biologique, voilà ce sur quoi se fonde le travail harassant et passionnant de Balzac.
J.J. Grandville (Jean Ignace Isidore Gérard, dit, 1803-1847). Grande course au clocher académique. Lithographie, 1839. Paris, Maison de Balzac. Dimensions: H 37,6xL 51,2
L’homme social
Une impulsion sociale donc, également nourrie de rencontres, d'amitiés et de mondanités. L’entourage de Balzac est empli de personnalités artistiques et littéraires. Dans un monde où les salons favorisaient approches et discussions, l’échange et les proliférations intellectuelles nourrissaient les pensées. On retrouve alors Théophile Gautier, esthète formidable, écrivain génial, touche-à-tout incroyable qui aidait Balzac à penser le monde artistique avec une lucidité folle, George Sand, amie et incitatrice, Alphonse de Lamartine, dont Balzac jalousait les richesses mais qui était d’un soutien sans mesure, Victor Hugo, qu’il admirait en poète et méprisait en romancier, Henry Monnier, illustrateur de La Comédie Humaine et inspirant de par sa profession d’acteur… Balzac n’était pas seul.
Cette représentation duelle d’un homme acharné à son travail mais au cœur de la vie sociale, se retrouve dans les journaux de l’époque. Caricaturée, amplifiée, sa légende vivante a fait couler de l’encre. Aujourd’hui encore, la production contemporaine continue de s’interroger sur la personnalité de Balzac. Le génie de l’artiste, sa lucidité, son regard clairvoyant sur les mœurs et fonctionnements humains ont inspiré des siècles de création artistique. De Picasso à Arroyo, l’auteur continue de fasciner.
Pablo Picasso (1881-1973). Portrait lithographié de Balzac sur vélin d'Arches, 1957. Lithographie. Paris, Maison de Balzac. Dimensions: H=33 L=25,1
Une exposition qui actualise le regard porté sur l'un des plus grands hommes de France et qui nous replonge aux prémices d’une réflexion sociale aujourd’hui bien avancée. Si la scénographie reste parfois un peu cabalistique, l'éclairage apporté reste documenté et passionnant. De quoi nous donner l'envie de nous replonger dans cette fresque humaine, si proche de nous.
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