UNTITLED MAGAZINE
Nous l’avions découverte avec « Purge », dont elle avait été la première étrangère à recevoir le prix du roman FNAC en 2010 et puis il y a eut « Quand les colombes disparurent ». Les deux oeuvres tournants autour de l’occupation soviétique, en Estonie. Mais cette fois-ci, la romancière revient avec un nouveau livre, assez éloigné des précédents, « Baby Jane ».
Le titre de son dernier roman est tout d’abord un hommage au film de Robert Aldrich intitulé « Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? ». Ce film hollywoodien, tourné en 1962, met en scène la rivalité de deux soeurs à la fin de leurs carrières artistiques. Mais tandis que son titre est un hommage au grand réalisateur, le roman se veut différent.
Ici, la narratrice se penche sur une histoire d’amour entre deux femmes, et nous fait découvrir leur vie marginale et grunge, à Helsinki, dans les années 1990. Piki « la goudou la plus cool de la ville », dotée d’une voix irrésistible et grande séductrice, est le grand amour de sa vie. Victimes de troubles psychiques, elles sont incapables de se lever tous les matins pour aller travailler. Pour financer leurs vies, elles décident d’inventer Susanna, née de l’imagination de Piki, pour vendre les sécrétions corporelles de la narratrice. Tandis que Piki se charge d’émoustiller les clients avec sa voix suave, la narratrice se charge de créer et d’envoyer les dessous usagés. Ce personnage imaginaire fera rêver, à distance, les nombreux hommes en recherche de sexe. Un projet ingénieux qui fait penser à une ancienne version d’internet et du minitel rose.
Mais quelques années après cette fabuleuse rencontre, Piki se met à souffrir de crises d’angoisses et se renferme. Son univers ne se réduit plus qu’à son canapé et ses bouteilles de lait et d’alcool. C’est sur sa voisine, son ex, Bossa, que Piki s’appuie pour gérer son quotidien. Ce qui provoque des réactions de la narratrice qui changeront le cours tumultueux de l’histoire.
Au-delà de la romance entre les deux femmes, l’écrivaine aborde aussi des questions plus intime comme la soumission, le rapport à l’autre ou encore l’identité. Mais ce manque d’identité de la narratrice ne permet pas d’accrocher assez rapidement le lecteur. L’histoire semble se dérouler naturellement, sans nous faire réagir et sans aucun questionnement. Ce n’est qu’au dernier tiers du roman qu’on est happé par les nombreux rebondissements et qu’on se sent concerné par les aventures des personnages. Néanmoins, le long passage sur la mélancolie et le manque, décrit par la narratrice, est le plus beau du livre. Petit plus aussi, pour l’impression BO composée de Courtney Love, Joy Division et de Madonna.
Baby Jane, Sofi Oksanen, Livre de Poche, 240 pages, 6,90 euros
