L’histoire est simple. Le récit débute par une rencontre entre deux rescapés : un animal survivant à un orage et une communauté épargnée par la guerre civile. Mais les deux-tiers du roman se concentrent ensuite sur le héros. Babel est un enfant sauvage, né au coeur d’une forêt durant la guerre civile. Recueilli par des villageois, il apprendra à devenir un être humain et à interagir avec les autres. Tandis qu’il découvre les us et coutumes de notre civilisation, l’enfant garde toujours en lui un lien avec la nature et l’espèce animale, principalement avec une corneille qu’il côtoie depuis sa naissance.
Dans son dernier roman, Sylvie Germain explore les frontières (poreuses) entre l’homme et l’animal, la nature et la culture, l’art et la politique. La romancière se plaît à décrire les charmes de la forêt, les jardins, la campagne et les demeures sombres et froides. En contemplation face à la nature, elle nous transporte au bord du fantastique. Sans indication de lieu, le lecteur est entrainé dans un pays qu’il ne connaît pas, sur fond de guerre ayant surgi après des décennies de bonne entente. Quand celle-ci débarque elle bouleverse le lecteur par la cruauté du conte et le talent que possède la romancière pour tisser autour de nous une atmosphère tantôt mystique tantôt réaliste.
C’est un roman hanté par la violence prédatrice des hommes mais illuminé par cet être, Babel, qui échappe à toute soumission. Ici, l’enfant, surnommé Babel puis Abel - ex cochon et homme en devenir - se moque de comprendre d’où il vient. Un roman-conte qui nous oblige à questionner notre humanité, notre rapport à la nature et aux animaux ainsi que notre rapport à Dieu.
Sylvie Germain, A la table des hommes, Albin Michel, 19,80 euros