A quelques jours de l'ouverture de la 31e édition du festival, nous avons à nouveau eu l'opportunité de poser quelques questions à François Floret, programmateur de la Route du Rock. Il nous précise en préambule que son co-programmateur, Alban Coutoux, est parti en octobre 2022, après avoir programmé le festival à ses côtés depuis 2004. La programmation se fera désormais en collaboration avec Pierre Templé.
Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste votre rôle en tant que programmateur de la Route du Rock ? Avez-vous carte blanche pour le choix des groupes ?
Mon rôle est... de programmer des artistes correspondant parfaitement à l'ADN du festival et de procéder aux ajustements jugés intéressants pour son évolution - Cela est donc assez personnel et ça engage l'identité du festival. Faisant partie des créateurs du festival je pense en avoir la légitimité, mais cela ne suffit pas. Il faut savoir écouter et/ou sentir ce qui peut enrichir le festival sans le dénaturer. J'ai bien "carte blanche » des administrateurs de l'association ;)
La programmation de la Route du Rock de cette année est plus éclectique que celle de l'an passé qui était plus pointue et tournée vers la vague de post-punk britannique. Pourquoi ce choix ? Était-ce un défi pour vous de devoir diversifier les différents genres musicaux pour toucher un public plus large tout en conservant une cohérence artistique ?
Pas un "défi" mais plutôt un besoin que je ressens de coller plus à l'actualité musicale au sein de notre famille musicale et au-delà des artistes « attendus » et/ou évidents chez nous. L'électro est déjà présente depuis des années (1999...), mais le hip-hop et ses différents croisements ("grime" uk) était le grand absent. Je pense que c'est attendu et que cela respecte parfaitement l'ADN du festival si 1) c'est de qualité évidemment, 2) novateur / voire "bousculant".
Comment avez-vous dû vous adapter au contexte économique compliqué et à l'augmentation exponentielle des cachets des artistes internationaux ? Quel impact cela a-t-il sur la programmation ?
On ne s'adapte pas, on subi. La RDR est un ovni dans le sens où il est le « plus petit des grands festivals » (citation de Richard Bellia - ami photographe). On se doit donc d'essayer de maintenir cette particularité et de faire les efforts pour programmer des artistes beaucoup plus chers que les artistes qu'on voit tourner partout tout l'été, car plus rares et moins mainstream. Leur impact public est donc moins "intéressant » et la RDR est clairement un festival « militant » qui refuse de laisser toute la place aux logiques de marché. On a besoin d'un public un peu militant aussi, plus curieux, qui refuse comme nous les harmonisations. C'est un peu le sens de notre logo ;) Nous pensons au final que la RDR est une alternative indispensable dans un monde qui se globalise tous les jours un peu plus.
Vous êtes programmateur du festival depuis 2004. Comment la Route du Rock a-t-elle évolué au fil des années en termes de programmation et de son positionnement musical ?
Je le suis depuis le début mais en collaboration avec Alban Coutoux (qui est donc désormais parti) depuis 2004. Ella eu plusieurs étapes dans sa ligne de programmation : très brit-pop jusqu'en 1998 car en collaboration avec une agence d'artistes qui avait un catalogue très... brit-pop (+ programmatrice des "Black sessions" de Bernard Lenoir - parrain du festival sur France Inter). A partir de 1999, nous avons pris le total contrôle de la programmation et avons décidé d'ouvrir aux musiques éléctroniques. Depuis 1999, en fonction des années et des opportunités, nous sommes restés plus ouverts aux différentes propositions mais sans étape marquante. Nous avons depuis effectivement fait la part belle au post-punk et à la pop tout en proposant des artistes électroniques en fin de soirée assez (trop?) sombres (sauf 2022). Cette année, on souhaite donc s'ouvrir un peu plus et des moments éléctroniques plus « légers » parce que la RDR c'est un festival exigeant, pour les amateurs de musiques indés, mais ces amateurs (et les autres) ont le droit de danser en fin de soirée aussi, de se lâcher - comme tout le monde ;)
Quels sont vos meilleurs souvenirs du festival au cours des éditions que vous avez organisées ?
Les concerts de Portishead, Sigur Ros, Idles (le premier) et surtout celui de The Cure en 2005. Moment magique pour un vieux fan comme moi : plus de 2h20 de concerts et record d'affluence (+ remise en main propre du maillot du stade rennais* floqué « The Cure » à Robert Smith).
Quel est le groupe que vous êtes le plus impatient de voir sur scène cette année, et pourquoi ?
Franchement tous. Et ce n'est pas pour ne pas répondre à la question.
Enfin, pouvez-vous nous donner un aperçu de votre vision pour l'avenir de la Route du Rock en tant que programmateur et des évolutions que vous aimeriez incorporer dans les éditions futures ?
Sur la partie strictement « programmation » : continuer ce qu'on fait de nouveau cette année. Sur le festival globalement (suis aussi Directeur et donc gestionnaire) on peut être inquiet : un fossé se creuse inexorablement entre les mastodontes qui programment désormais aussi des artistes que nous étions seuls à programmer avant et les autres festival « middle » ou « middle petit » que nous sommes. Il faut savoir que pour une tête d'affiche, il est demandé le même prix à un festival avec une jauge de 50 000 personnes qu'à un festival comme la RDR (jauge 10 000)... Ce qui n'est pas normal par rapport à l'amortissements des coûts. Si cela continue comme cette année, nous n'aurons plus les moyens en 2024 de payer des têtes d'affiche et devrons peut-être revoir le modèle du festival.
*suis fan et abonné du stade rennais depuis des années.
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